Tout au long des années 1990, les avocats de la Couronne fédérale, comme d'autres fonctionnaires, ont été soumis à une série de gels des salaires, de réductions de possibilités de promotion et de départs de personnel croissants. Dans ce contexte, le soutien a grandi en faveur de la création d'un organisme indépendant qui défendrait les intérêts des avocats de la Couronne fédérale qui ne font pas partie du groupe de gestion. L'AJJ a été formée en juillet 2001, à la suite d'un référendum national des avocats, où près de 90 % des votes exprimés étaient en faveur de sa création.

Avant 2005, la loi ne permettait pas aux avocats de la Couronne fédérale au service du ministère de la Justice de se syndiquer et de négocier collectivement. Toutefois, un petit nombre d'avocats du secteur public fédéral employés par des organismes indépendants (environ 100) étaient syndiqués et avaient été représentés par l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) pendant une trentaine d'années.

Le paysage juridique a changé le 1er avril 2005, date à laquelle la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) est entrée en vigueur, permettant ainsi, pour la première fois, à la vaste majorité des avocats de la Couronne fédérale de se syndiquer. Le jour même de l'entrée en vigueur de la LRTFP, l'AJJ a présenté une demande pour devenir l'agent négociateur exclusif de tous les avocats de la Couronne fédérale admissibles.

L'AJJ a été accréditée le 28 avril 2006 comme agent négociateur exclusif d'environ 2 600 avocats qui travaillent dans le secteur public fédéral, y compris ceux qui avaient auparavant été représentés par l'IPFPC.    

 

Le taux de rémunération régional de Toronto, aussi appelé le "différentiel de de Toronto"

 

Entre 1987 et 1990, le Bureau régional de l’Ontario (BRO) du ministère de la Justice à Toronto a connu de graves problèmes de recrutement et de rétention. Les avocats quittaient le BRO à un rythme alarmant et le ministère de la Justice avait du mal à en recruter de nouveaux. De nombreux avocats du ministère de la Justice au BRO acceptaient un emploi dans la province de l’Ontario.

Pendant la même période environ, les avocats de l’Ontario ont obtenu le droit à la négociation collective. Leur première convention collective, en 1989, a été conclue par un arbitrage exécutoire qui a donné lieu à des augmentations salariales de 22 à 44 % pour les avocats de l’Ontario. Cela a été un coup fatal pour la capacité du BRO à recruter et à maintenir en poste des avocats.

Le Conseil du Trésor s’est toujours opposé aux taux de rémunération régionaux. Toutefois, le 6 juin 1990, le Conseil du Trésor a décidé d’approuver un taux de rémunération régional pour le BRO afin de résoudre le problème de ce dernier sur le plan du recrutement et du maintien en poste des effectifs. Le "différentiel de Toronto" signifiait que les avocats du ministère de la Justice aux niveaux LP‑02 et LP‑03 à Toronto et dans les bureaux satellites de la région environnante gagneraient entre 12 000 et 16 000 dollars de plus par an que leurs collègues ailleurs dans le pays qui étaient payés selon l’échelle nationale du Ministère de la Justice.

Le taux de rémunération de la région de Toronto devait être temporaire, faire l’objet d’une révision annuelle puis, en fin de compte, se fondre dans le barème national unique de rémunération des juristes fédéraux.[1]

En 1991, le gouvernement du Canada était confronté à des problèmes budgétaires et a imposé des restrictions fiscales. Une série de mesures législatives a gelé les salaires de la fonction publique pour une période de sept ans. La législation a également gelé le taux de rémunération de la région de Toronto pendant sept ans (1991-1997), même si ce taux de rémunération régional était censé être temporaire. En effet, le taux de rémunération régional plus élevé pour Toronto s’est en quelque sorte institutionnalisé.

Durant la période qui a suivi l’austérité, des augmentations de salaire pour les avocats du ministère de la Justice ont été approuvées en 1998 et 2000. L’employeur a maintenu le taux de rémunération de la région de Toronto, mais a accordé aux avocats du BRO une augmentation de salaire inférieure à celle du reste du pays.

En 2000, les avocats du gouvernement de l’Ontario ont bénéficié d’une nouvelle augmentation de salaire substantielle. Le 26 octobre 2002, la décision arbitrale Kaplan a accordé aux avocats du gouvernement de l’Ontario une augmentation salariale de 30 % pour la période allant du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2000. Afin d’éviter un autre problème potentiel de recrutement et de rétention au sein du BRO, le Conseil du Trésor a approuvé en 2002 une autre indemnité provisoire de 8 % pour les avocats de Toronto. 

La dissension causée par le taux de rémunération régional de Toronto s’est manifestée lors de la campagne de syndicalisation des avocats du ministère de la Justice en 2005, lorsqu’une faction d’avocats du BRO s’est opposée à l’accréditation de l’AJJ en tant qu’agent de négociation exclusif pour tous les LP et a cherché à faire accréditer une association différente comme agent de négociation exclusif pour les avocats du BRO.

 

 [1] L’historique du taux de rémunération régional de Toronto est examiné de manière exhaustive dans Babcock c. Canada (P.G.), 2005 BCSC 513, par. 40-169.

 

La première convention collective de l'AJJ (2006-2011)

2008

24 septembre 2008 – La période de négociation collective ayant abouti à une impasse, l'employeur présente une demande d'arbitrage.

La crise économique mondiale intervient.

 

2009

12 mars 2009 – La Loi sur le contrôle des dépenses, adoptée en réponse à la crise économique mondiale, entre en vigueur et impose des limites aux augmentations salariales pour une période de cinq ans.

23 octobre 2009 – La décision arbitrale Bendel fixe les dispositions de la première convention collective de l'AJJ, élaborée en grande partie sur le modèle de la convention collective précédente de l'IPFPC applicable aux avocats syndiqués du secteur public fédéral. La décision accorde aux avocats le droit d'être rémunérés pour leurs heures supplémentaires et impose des hausses salariales prescrites de 2,5 % le 10 mai 2006, 2,3 % le 10 mai 2007 et 1,5 % le 10 mai 2008, 2009 et 2010.

 

La deuxième convention collective de l'AJJ (2011-2014)

2011

18 mars 2011 – L'AJJ donne un avis de négocier collectivement.

8 avril 2011 – Le nouveau négociateur du SCT est annoncé, et le SCT ne respecte pas le délai de 20 jours prévu pour rencontrer l'AJJ (par. 105[1] de la LRTFP).

15 juin 2011 – L'AJJ tient une séance de négociation collective de deux jours avec le SCT (15 et 16 juin).

5 juillet 2011 – L'AJJ tient une séance de négociation collective de trois jours avec le SCT (du 5 au 7 juillet).

27 septembre 2011 – L'AJJ tient une séance de négociation collective de quatre jours avec le SCT (du 27 au 30 septembre).

7 octobre 2011 – L'AJJ présente une demande d'arbitrage.

14 novembre 2011 – L'AJJ est constituée en vertu de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif.

7 décembre 2011 – La CRTFP rejette la demande du CT visant à retarder l'arbitrage.

 

Lorsqu'il a été élu pour la première fois, en 2006, le gouvernement Harper formait un gouvernement minoritaire. Après avoir remporté un deuxième mandat consécutif comme gouvernement minoritaire en 2008, il obtient la majorité des voix au scrutin de 2011. C'est à ce moment que le gouvernement Harper présente une loi (projet de loi C-4) qui affaiblit considérablement les droits à la négociation collective dans le secteur public.

2012

20 avril 2012 – L'AJJ dépose son mémoire d'arbitrage.

27 juin 2012 – Une entente de principe est conclue. Parmi les divers changements proposés, notons le retrait de la convention collective de la disposition relative au paiement des heures supplémentaires, l'adoption d'une structure de rémunération (hausse de 10 % s’ajoutant aux augmentations économiques annuelles) et le remplacement des classifications LP-01 à LP-03 par un régime de rémunération par échelons fixes.

1er octobre 2012 – L'AJJ tient un scrutin de ratification  

 

La troisième convention collective de l’AJJ (2014-2018)

2014

9 janvier 2014 – L'AJJ donne un avis de négocier collectivement.

 

Dans le projet de loi omnibus sur le budget de 2014 déposé par le gouvernement Harper, toute unité de négociation fédérale est appelée à perdre le droit de grève si 80 % ou plus des postes qui la composent sont déclarés nécessaires à la prestation d’un service essentiel. Le projet de loi confère aussi au gouvernement le pouvoir de déterminer lui-même en quoi consiste exactement un service essentiel et combien de postes sont nécessaires pour assurer ce service.

Le gouvernement Harper est défait en 2015, remplacé au pouvoir par les Libéraux de Justin Trudeau, qui forment un gouvernement majoritaire. Bien que le nouveau gouvernement Trudeau ait annoncé tôt dans son mandat son intention d'annuler cette loi aux conséquences préjudiciables adoptée par le gouvernement précédent, ce n'est que le 26 novembre 2018 que le projet de loi C-62 – Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral et d'autres lois – reçoit la sanction royale. 

Cela dit, le gouvernement Trudeau signe bel et bien des accords provisoires avec les agents négociateurs (dont l'AJJ) en 2016, promettant de ne pas exercer les nouveaux pouvoirs et d'accepter toute demande visant à modifier les modes de règlement des différends.

Les retards dans les négociations ne touchent pas que l'AJJ à cette époque. Il convient de noter également que le CT a remplacé la personne chargée des négociations avec l'AJJ à plusieurs reprises de 2014 à 2016, ce qui a aggravé les retards.

2016

3 juin 2016 – L'AJJ demande un changement de mode de règlement, de sorte qu'il passe de la conciliation/grève à la «conciliation exécutoire». 

Octobre 2016 – Le CT omet de produire son étude de comparabilité des salaires à l'équipe de négociation aux fins d'examen et suspend la négociation jusqu'à novembre.

Novembre 2016 – La négociation reprend.

19 et 20 décembre 2016 – L'AJJ et le CT tiennent des séances de négociation.

22 décembre 2016 – L'AJJ déclare l'impasse.

         2017

Janvier 2017 – Il y a renvoi à la conciliation exécutoire (arbitrage des différends).

Avril 2017 – Des représentants sont choisis.

Mai 2017 – Un président est désigné.

Juin 2017 – L'AJJ soumet son mémoire.

Juillet 2017 – Des séances de médiation ont lieu.

Août 2017 – Le CT dépose son mémoire.

16 et 25 octobre 2017 – L'arbitrage se tient.

 

2018

10 juillet 2018 – La décision arbitrale Brault est rendue. Les éléments de preuve sur la rémunération ne concordaient pas avec l'étude de l'AJJ sur la rémunération, qui affirmait qu'une augmentation salariale de 29 % était justifiée, ni avec l'étude de l'employeur sur la rémunération, qui recommandait un rajustement salarial de 1 %. Le président a refusé d'évaluer les données recueillies dans le cadre de l'étude sur la rémunération et d'indiquer les éléments qu'il avait admis. Il a plutôt accepté la position de l'employeur recommandant qu'un rajustement salarial de 1 % soit accordé. Le président a exprimé le souhait qu'on dispose davantage d'outils communs et recommandé fortement aux parties de se doter conjointement d'études fiables, exhaustives et non partisanes sur la rémunération en vue des futures négociations collectives.  

29 juillet 2018 – Le membre Munn rend une opinion dissidente.

30 juillet 2018 – Le membre Cavalluzzo rend une opinion dissidente.

L'AJJ demande un contrôle judiciaire de la décision arbitrale Brault.

 

La quatrième convention collective de l'AJJ (2018 – 2022)

2018

18 juillet 2018 – L'AJJ donne un avis de négocier collectivement (qui accompagne sa demande de contrôle judiciaire de la décision arbitrale Brault comme moyen de négociation).

Octobre 2018 – Le sondage pour demander l'avis des membres prend fin.

Novembre 2018 – Des propositions sont échangées.

Décembre 2018 – Des séances de négociation se tiennent les 17 et 18 décembre.

 

2019

Février 2019 – Une deuxième séance de négociation a lieu.

Mars 2019 – Les séances de négociation se poursuivent.

Juin 2019 – La négociation continue.

Juillet 2019 – Une entente de principe est conclue; elle prévoit notamment deux études conjointes sur la rémunération administrées par l'AJJ et le SCT, ainsi qu'une promesse du ministère de la Justice et du Service des poursuites pénales d'élaborer conjointement des lignes directrices sur le congé de direction.

Août 2019 – L'AJJ tient un scrutin de ratification.

 

 

Études conjointes sur la rémunération 2019 - 2022

2019

Octobre-décembre 2019 – Le groupe de travail AJJ-SCT chargé des études conjointe sur la rémunération se réunit trois fois pour discuter de questions portant sur l'étude de relativité interne et l'étude de comparabilité externe des salaires.

2020

Février-décembre 2020 – Le groupe de travail AJJ-SCT chargé des études conjointe sur la rémunération se réunit six fois pour discuter de questions portant sur l'étude de relativité interne et l'étude de comparabilité externe des salaires.

Novembre 2020 – L'AJJ produit une première ébauche du document présentant l'information contextuelle aux fins de l'étude de relativité interne.

2021

Janvier-décembre 2021 – Le groupe de travail AJJ-SCT chargé des études conjointe sur la rémunération se réunit douze fois pour discuter de questions portant sur l'étude de relativité interne et l'étude de comparabilité externe des salaires.

Décembre 2021 – Le SCT demande unilatéralement à l'agent contractuel retenu pour l'étude de relativité interne une recommandation sur l'utilisation appropriée de l'information contextuelle. L'agent contractuel recommande qu'il dispose d'un pouvoir discrétionnaire absolu pour décider de l'utilisation ou non de l'information contextuelle et de la mesure dans laquelle cette information serait utilisée. 

2022

Janvier-mai 2022 – Le groupe de travail AJJ-SCT chargé des études conjointe sur la rémunération se réunit cinq fois pour discuter de questions portant sur l'étude de relativité interne et l'étude de comparabilité externe des salaires.

Février 2022 – Après plus d'une année, l'AJJ réussit finalement à amener l'employeur à reconnaître que l'information contextuelle présentée dans le document est exacte.

Mai 2022 – L'AJJ en conclut qu'elle se trouve dans une impasse avec l'employeur en ce qui concerne l'utilisation appropriée de l'information contextuelle aux fins de l'étude de relativité interne. L'AJJ décide de faire trancher la question par une experte indépendante reconnue par les deux parties, conformément au protocole d'entente sur les études conjointes sur la rémunération.

27 mai 2022 – L'AJJ présente ses observations à l'experte indépendante et au SCT.

23 juin 2022 – Alors qu'il dispose des observations de l'AJJ depuis près d'un mois, le SCT indique qu'il ne pourra pas y répondre avant le 15 août (deux autres mois). L'experte refuse d'imposer un échéancier rapproché pour le dépôt des observations du SCT.

11 août 2022 – Le SCT indique qu'il ne sera pas en mesure de fournir ses observations d'ici le 15 août et qu'il aurait besoin d'une semaine supplémentaire, soit jusqu'au 22 août.

22 août 2022 – Le SCT présente ses observations à l'expert à 23 h 32.

22 septembre 2022 – L'AJJ remet à l'experte ses observations en réponse.

             25 octobre 2022 –  L'experte a rendu sa décision, en faveur de l'AJJ.